La grande Séouve
encre acrylique et teinture végétale sur coton, broderie 2m80 x19,5m, 2025
La grande Séouve est une installation textile créée pour le contexte de la grande Halle de la Villette, et l’exposition 100%. Elle est composée de 4 pans de tissus formant un rectangle au sein duquel est présenté le film Tohu va bohu. Chacun de ces pans est d’abord teint de manière naturelle: noix de galle, néflier, garance, indigo et bois de campêche. Il est ensuite peint à l’encre acrylique et enfin les yeux des animaux sont brodés au fil de coton.
L’installation joue ici le rôle d’un sas, entre l’espace d’exposition et le film, dont elle “déploie” le décor. Le terme « Séouve » signifie forêt en provençal, et renvoie au décor du film, un village des Alpes de Haute Provence. Cette peinture représente une forêt merveilleuse habitée par des animaux psychopompes (loups, sangliers, corbeaux, cerfs, renards,...) connus pour leur rôle de passeurs d’âmes dans différentes cultures occidentales. Ces animaux sont pris dans une ronde, qui renvoie au motif de la danse macabre, mais aussi aux cycles des saisons. Dans cette forêt fabuleuse se noue différentes relations, des étreintes, des chasses, des jeux. Les humain.es n’y sont présents que sous des formes hybrides. Ils sont humus, compost, mandragores, êtres mycorhizes racines et nourriciers. Ces chimères humain.es-plantes évoluent de manière cyclique au sein de l’installation. Au printemps la femme plante est enceinte d’un lys; à l’été des fœtus et nourrissons bourgeonnent, à l’automne nous sommes avec une jeune femme qui est sortie du sol mais dont la chevelure flétrit déjà, et à l’hiver c’est une fougère vieillard racine rabougrie qui se recroqueville au cœur de la terre. Dans l’imaginaire occidental, la forêt joue un rôle ambivalent. Elle est dans toutes les sociétés archaïques, notre « origine », souvent comparée à une femme, à une déesse mère. Mais elle incarne aussi notre part d’ombre, de mystère, d’animalité. De l’antiquité à l’époque moderne; et encore aujourd’hui les institutions humaines occidentales (la loi, la cité, la religion, l’ordre moral) se construisent en opposition à la forêt. On la défriche pour construire la cité, la transformer en terre agricole, on exploite ses ressources. Le territoire sylvestre recule, et la forêt devient le dehors, l’espace de l’altérité. Au moyen âge c’est un espace où s’applique des lois spécifiques, où vont se réfugier les marginaux (mendiants, aliénés, amants, bandits, brigands, ermites,…).

















